Chapitre 5 : Préparatifs

Publié le par KaiM

 

Dario, Tarlaq et Namâric rejoignirent Alexandre dans les couloirs du palais, alors qu’il regagnait sa chambre.

-         A quoi joues-tu ? lui demanda le maître Chanteur.

-         Mais à rien, répondit le Prince sur un ton innocent. Je veux protéger les cendres d’un saint homme, est-ce mal ?

-         Alexandre, tu n’as jamais accordé la moindre importance aux reliques. Alors pourquoi as-tu pris cette décision ? N’essaye pas de me mentir.

-         Je vous assure que je ne cherche qu’à préserver ces saintes reliques, répéta le Prince avec conviction.

Mais Dario connaissait trop bien son élève pour se laisser berner. Il savait qu’Alexandre lui cachait la vérité. Et il savait aussi qu’il était inutile de chercher à percer ses secrets : il aurait pu passer des heures à tenter de le faire parler, en vain.

-         Très bien, lança-t-il. Dans ce cas, je t’accompagne.

-         Je doute que mon père laisse un membre du Conseil quitter la ville en temps de guerre, répliqua Alexandre. Mais rassurez-vous, maître, je m’en sortirai.

-         Mais... vous ne pouvez pas partir sans escorte ! intervint Tarlaq.

-         Mon père a malheureusement décidé qu’il ne risquerait pas un seul soldat, non ?

-         Je ne peux ni venir avec vous, ni vous confier un de mes hommes, déclara Namâric. Les instructions de l’Ordre sont très claires : tous les Paladins Noirs doivent rester à Dümrist pour défendre la ville.

-         Un de vos hommes ? s’étonna le Prince. Vous commandez les Paladins qui protègent la cité, maintenant ?

-         Ce n’est pas nouveau, répondit Namâric. Mais je n’en n’avais jamais parlé. Je commandais déjà cette unité avant notre rencontre. Mais là n’est pas la question.

-         Bon, si vous ne pouvez pas m’aider, il n’y a qu’un seul moyen de contourner les ordres de mon père.

Alexandre se tourna vers Tarlaq.

-         Vous devez me faire escorter par des membres de votre garde personnelle.

-         Aucun problème, assura le baron. Je vais essayer de trouver une trentaine d’hommes.

-         Non. Je sais ce que vous pensez, mais je ne veux pas d’une grande escorte. Je préfère voyager discrètement.

-         Mais...

-         J’insiste. Je n’ai besoin que de quelques-uns de vos meilleurs éléments.

-         Tektus fera-t-il l’affaire ?

-         Non, il sera mieux employé ici. Un lézard géant en armure ne serait pas très discret, sur les routes.

-         Hustouk ou Vladek, alors ? proposa Tarlaq.

-         Comment va Vladek, d’ailleurs ? questionna soudain Dario.

-         Très bien, je vous remercie, dit une voix dans leur dos.

Tous se retournèrent. Tarlaq reconnut sans surprise son vieil ami. La quarantaine, l’air désinvolte, le regard vif, la barbe courte, les cheveux coiffés en queue de cheval, une petite cicatrice sur la pommette droite, le capitaine Vladek avait tout d’un vieux baroudeur. C’était le compagnon d’armes du baron Tarlaq depuis de nombreuses années. Durant l’hiver, il avait perdu la main gauche en défendant Alexandre. Il arborait désormais, à la place de son membre coupé, trois longues griffes de métal conçues sur le modèle des redoutables armes des Wolks.

-         L’opération s’est très bien passée, poursuivit le capitaine. J’ai hâte de pouvoir essayer ce jouet !

-         Voilà donc un souci de moins, répondit Tarlaq. Tu vas pouvoir accompagner notre Prince à Kridath. Je suppose que Hustouk est prêt à reprendre du service, lui aussi ?

-         A priori, oui. Il s’ennuie dans cette ville. Les Orks n’aiment pas les cours royales. Aux dernières nouvelles, il livrait un duel contre un jeune noble qui l’a provoqué.

-         Qu’a-t-il dit exactement ? s’inquiéta le baron.

-         Il l’a traité de monstre.

-         Il est mort. J’espère qu’il n’était pas trop important.

-         Non, ce n’était qu’un petit prétentieux. Rien de grave à côté de votre problème. Les cendres de Saint Gapor, hein ?

-         Vous nous espionnez, capitaine ? demanda Dario, l’air amusé.

-         Je me suis dit qu’il fallait m’entraîner à l’infiltration, répliqua Vladek. Et quel meilleur exercice que de filer l’homme le plus méfiant du royaume ?

Tarlaq fit semblant de n’avoir rien entendu. Le maître Chanteur reprit la parole :

-         Alexandre, tu devrais quand même te montrer plus prudent avec le roi. Tu ne devrais pas le provoquer ainsi. Il est à la fois ton père et ton souverain. Tu lui dois plus de respect que n’importe qui !

Le Prince ne s’émut pas particulièrement.

-         Je lui suis supérieur dans tous les domaines. Il n’y a aucune raison pour que je supporte son autorité.

-         Ne serait-ce pas un peu prétentieux, mon garçon ?

-         Il faut bien que je montre à tous ma détermination, ajouta Alexandre. Bientôt je prendrai sa place. Et à ce moment-là, personne ne devra plus contester mon pouvoir.

-         Quoi ? s’étonna Tarlaq. Vous dites que vous allez bientôt devenir roi ?

-         Les médecins sont formels, expliqua le Prince. La maladie qui a emporté ma mère ronge aussi mon père. Et il n’y a rien à faire. Dans quelques années, ce sera fini.

-         Comment savez-vous cela ? questionna Dario. Même moi, je l’ignorais.

-         Ce genre de secret est bien gardé, répondit Alexandre. Mais tout homme a son prix. Même un médecin royal. Je ne m’étendrai pas sur la façon dont je m’y suis pris, ce serait trop long.

-         Cela ne semble pas trop vous affecter, remarqua Vladek.

-         Il ne peut pas guérir. Pourquoi me lamenterais-je ? Tout ce que je peux faire, c’est préparer mon futur règne.

Le Prince et ses compagnons marchèrent silencieusement, lançant parfois quelques regards à droite et à gauche pour se donner une contenance. Parvenu devant sa chambre, Alexandre se retourna vers ses amis.

-         Nous partirons demain matin, à la première heure. Soyez prêts.

Et il disparut derrière la porte.

 

 

 

 

-         Qu’en pensez-vous ? demanda Tarlaq à ses compagnons, alors qu’ils rejoignaient leurs quartiers.

Vladek fut le premier à répondre :

-         Vous avez dit il y a quelques mois que le seul défaut du Prince était sa timidité. Et bien maintenant, il est parfait !

-         J’avais dit que c’était UN défaut qu’un roi ne pouvait se permettre d’avoir, corrigea le baron. Mais je voulais savoir ce que vous pensiez de son projet.

-         Alexandre a parfois des idées étranges, répondit Dario. Je ne sais pas quelles sont ses intentions, mais je me doute qu’il a soigneusement calculé ce qu’il s’apprête à faire. Nous n’avons pas de raisons de nous inquiéter.

-         Donc, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ? ironisa Hustouk.

-         Pas forcément. Mais je ne me fais pas de souci pour vous. Cela dit, j’aurais préféré escorter moi-même ce garçon.

-         Il me semble qu’il devient un peu froid, en ce moment, intervint Namâric.

-         C’est vrai, admit Dario. Il s’est endurci depuis cette histoire à Hözel.

-         Vous ne voulez toujours pas nous dire ce qui s’est passé là-bas ? interrogea Tarlaq

-         Je vous répète que je ne sais pas ce qui s’est passé ! J’ai été gravement blessé, et j’ai tout juste eu assez de force pour prononcer un Chant guérisseur ! Quand je me suis réveillé, le village était en ruines, et notre adversaire disparu.

-         Et personne n’a su ce qui était arrivé à cette vieille femme et à cette fillette, remarqua Vladek, ni pourquoi tous les Chevaliers sont morts d’un seul coup.

-         Cela fait définitivement partie des secrets que le Prince gardera, conclut Namâric.

Hustouk soupira.

-         Tout ça pour des bracelets qui n’avaient finalement aucun pouvoir...

 

 

 

 

La chambre du Prince Alexandre ne semblait pas particulièrement riche. C’était un choix du Prince lui-même, qui ne dédaignait pas le confort, mais méprisait le luxe. La pièce était spacieuse, et contenait peu de meubles : un bureau, un lit à baldaquin, et quelques armoires. Les fenêtres et le balcon donnaient sur l’Ouest de la ville. A chaque mur pendaient de lourdes tapisseries ternies par les ans. Le Prince n’avait cependant jamais demandé qu’on les remplace.

Aussitôt entré, Alexandre prépara ses affaires pour le voyage. Il ne comptait s’absenter que quelques jours, aussi se contenta-t-il du strict minimum : il entassa dans un sac quelques habits de rechange, ainsi que trois grimoires et une montagne de notes qui allaient lui être utiles. Il décrocha ensuite deux fourreaux accrochés à un mur, renfermant deux glaives adaptés à sa main. Ces armes risquaient fort de lui servir à nouveau.

Le Prince se plaça au centre de sa chambre, sur un tapis orné de motifs anciens, dégaina ses lames et exécuta quelques mouvements d’attaque. Il se surprit lui-même par la vitesse à laquelle il réalisait les enchaînements. Il continua ses exercices avec quelques acrobaties. Parfait. L’entraînement qu’il menait depuis son retour à la capitale avait porté ses fruits. Il était maintenant de taille à se mesurer à un Elfe, adversaire autrement plus redoutable qu’un homme ou un Wolk. Il n’avait toujours pas digéré l’aisance avec laquelle Kandrill, l’Elfe qui commandait les Chevaliers Blancs qu’il avait combattus au début de l’hiver, l’avait vaincu. C’était insultant. Pour rétablir sa supériorité, il lui fallait maintenant tuer un Elfe en duel. Et il y était préparé.

Alexandre se rendit sur le balcon et contempla le coucher de soleil qui illuminait la campagne. Le paysage était magnifique. Et dire qu’il serait bientôt couvert par le campement d’une armée Elfique... Enfin, ce siège ne risquait pas de durer longtemps. A cette idée, le Prince repensa à son plan. Son père avait refusé de risquer ses troupes dans une bataille ouverte, mais ce n’était pas bien grave. Dümrist pouvait résister assez longtemps. Quant à Alexandre, il allait pouvoir se rendre à Kridath. Une fois qu’il aurait fait ce qu’il avait à faire là-bas, il pourrait rejoindre les futurs vainqueurs de la guerre. Tout allait pour le mieux.

Le Prince se demanda s’il avait raison de taire ses projets à ses compagnons. Cette réflexion lui prit moins d’une seconde. Il était clair qu’ils ne devaient rien savoir. Toute fuite pouvait compromettre ses plans. Ses amis apprendraient bien assez tôt ce qu’il préparait.

Alexandre observa les Bracelets fixés à ses poignets. Ces objets aussi pourraient lui être utiles. Ils lui avaient déjà permis de détruire un village et plusieurs dizaines de personnes. Il laissa son esprit plonger dans les profondeurs des Bracelets d’Arzhan, et un sentiment de puissance l’envahit. Il n’aurait plus aucun mal à les utiliser, désormais.

Le Soleil disparut à l’horizon. Bien. Il était temps de dormir.

Publié dans histoiresdefarlo

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